Formes sensibles et politiques de l'habiter

     Je fais partie du décor, les années m'ont ancré à ma place, je n'en bouge pas. Invisible aux habitués, je crève l'écran des touristes. Mais tous jouent avec moi, qu'ils me touchent, me caressent, m'effleurent ou bien m'évitent...

 

     Qu'ils en aient conscience ou non, je conditionne leur ordre et leur désordre, je leur rappelle ce qu'ils font sans qu'ils sachent qui je suis. Je ne suis pas seul, nous sommes légion. Ensemble nous sommes sujet à la perspective, elle met en évidence notre résonance métallique. Seules nos ombres italiques rompent la régularité de cette forêt de fonte. Nul oiseau ne vient y faire son nid, seule la rouille s'appose sur nos crânes dégarnis.

 

     J'entend dire que je n'ai plus ma place ni mon rôle, que je serai bientôt déraciné par les mêmes qui m'ont planté. Et pourtant je fascine et façonne, bien que l'on contourne et détourne de mes usages à mon nom. On m'appelle "poto".